jeudi 17 septembre 2015

Phénoménologie de l'esprit (rien que ça)

Est-ce qu'on doit être un pauvre, pauvre homme, pour écrire de bons livres ou de bonnes chansons? Est-ce que la sensibilité extrême implique la souffrance infinie, et l'impossibilité d'être épanoui? Est ce qu'il vaut mieux créer ou vivre? Michou Houellebecq, ou les gens heureux qui n'écrivent pas de livre donc on les connait pas?

Je pense que la création, c'est la survie de celui qui souffre. C'est l'adaptation, le traitement fertile la merde. On est là, c'est la merde, on en fait quelque chose au lieu de crever, pour gérer la difficulté. L'épanouissement complet est un état qui s'exprime dans des liens très stables, efficaces, et agréables avec autrui. Mais nous, qui n'arrivons pas à créer suffisamment de lien, qui n'avons jamais l'impression d'avoir assez de lien, ou qui souffrons beaucoup trop de ces liens, créons des liens avec la matière, l'écriture, la musique, la peinture; c'est entre nous et le monde. C'est en quelque sorte unilatéral, parce que cela élude la difficulté du rapport à autrui; et ça le cherche tout de même, par le biais du medium créé que quelqu'un va lire regarder ou écouter. C'est ce que j'appelle stratégie de survie. C'est une version du lien à autrui, mais biaisée. L'épanoui va droit au but. Le souffreteux passe par un médium, parce que c'est difficile en direct. 

Personnellement, j'ai un instinct qui m'achemine tranquillement vers l'épanouissement, la confiance, et la construction de liens stables et profonds avec autrui (aka être bien dans le monde, désamorcer ce qui me parasite, avoir une famille), et un autre instinct de survie qui date de moi petite fille qui flippe sa mère et vacille au moindre truc; qui ne se remet jamais de sa souffrance, qui pense qu'elle n'arrivera jamais à être bien, et qui veut écrire dans sa chambre. 

Le deuxième instinct, je l'ai depuis toujours; le premier est à ma portée, je sens sa présence, je fournis des efforts pour l'acquérir, et il vous salue (l'autre est dans sa chambre en train de lire Bukowski).