jeudi 28 mars 2013

Sur Adopteunmec,

 j'ai trouvé un gars qui ressemble exactement à Joeystarr il y a dix ans. Mais en renoi. Comme quoi, il restait des trucs à pécho sur adopte. Il ne fait pas la différence entre "ça" et "sa" (mon fils, ma bataille, dans le métier; mais si on commence à parler déterminant et pronom avec Joeystarr, je vais me griller complètement: je ne serai plus une fille "des barres","qui a le swag", et ni vous ni moi ne voulons en arriver là).
 
J'ai remarqué un truc. Dans mon groupe d'amis de prépa,  avec lesquels nous buvons du rosé, partons en vacances, rigolons comme des baleines lors des concours de didgeridoo sur bière, dormons, nous calinons, et buvons des alcools forts à la bouteille à chaque Printemps de Bourges, je suis un peu une prostipute. C'est à dire que j'ai des rapports avec plus de trois personnes différentes par an. Avec Gwen, je suis une meuf trop sensible, qui aurait besoin de se décoincer (je n'allume pas les serveurs de tous les restaurants par lesquels nous passons: déjà parce que j'ai pas le temps, et ensuite parce qu'elle s'en occupe; et je ne participe pas à des partouzes dans des cinq pièces du 7°: déjà parce que j'ai pas envie, et ensuite parce que je ne suis pas invitée).  
 
Signé: La religieuse prostipute du 94 (mon pseudo sur Adopteunmec).

mardi 26 mars 2013

Ce soir j'ai envie de chialer,

 mais chialer ma race pour que ça parte. J’ai relu de vieux articles. Ca va pas trop trop.
Quand je bois de l’alcool, quand je fume, j’ai des crises d’angoisse. En rentrant de soirée.
J’ose plus rien faire. Quand je ne fais rien, j’en ai aussi.
Je n’ai plus beaucoup de lexomil. A ce stade, il faudrait qu'on me sauve,  et je ne sais même pas comment.

Les autres profs me disent toujours:

"il est bizarre cet élève". Ils ne se sont jamais dit qu’il peut paraître bizarre, mais qu’il est un individu intéressant et pas bizarre du tout à l’intérieur. Que sa com’ passe mal. Que ça tourne très vite dans sa tête : il voit qu’ils voient qu’il a l’air bizarre.

mercredi 13 mars 2013

Julio, moi, et les autres

 Je me repasse souvent les vieilles émissions de Thierry Ardisson, la nuit, sur youtube. Je regardais Tout le monde en parle sur la télé en haut de l'armoire, dans la chambre de mes parents le samedi soir, quand ils faisaient des dîners en bas avec leurs amis. Ils parlaient très fort; mon père parle très fort quand il boit, puis vient le moment où il somnole un peu et veut nous prendre dans les bras. Je prenais des gâteaux apéros, et j'attendais la fin de soirée en regardant la Trilogie. Je m'endormais tout habillée vers une heure du matin. C'était un bonheur absolu. Le truc le plus excitant de ma vie de pré-adolescente à Dreux. Il y avait une sorte d'émulation, dans Tout le monde en parle; qui, comparée à ce qui m'était donné en pâture (pas grand chose à part les romans d'Agatha Christie et la littérature de vampire pour les 12-13 ans), était électrisante. Il y avait les vannes de Laurent Baffie. Les vannes, c'est de l'art.
Donc je regardais une vieille émission, l'invité: Julio Iglesias. Il disait qu'il avait eu une période de dépression, durant laquelle il nageait jusqu'à l'épuisement tous les soirs pour pouvoir dormir. J'ai trouvé ça intriguant: je faisais pareil lors de ma première année de crises d'angoisse, quand il y avait une piscine au bout de ma rue. Dépression, mon oeil, Julio, tu ne sais juste pas mettre le bon mot sur tes crises. Quand il a entrepris de détailler: j'ai commencé à crier "Naan" dans l'appartement. Il disait qu'il avait mal à la tête, qu'il croyait faire un AVC, qu'il croyait qu'il allait mourir, et que ça le mettait dans un état dans lequel il avait vraiment l'impression de mourir.
Bam. C'est ça que j'aime bien. Quand je sens qu'il existe une sorte de communauté de la douleur, à l'échelle de l'humanité. On n'est pas perdus.

lundi 11 mars 2013

C’est la moindre des choses

de ne rien oublier, même si c’est désagréable. C’est la moindre des choses de se souvenir de tout, même si ça pique un peu parfois. Je n’ai pas du tout envie de faire autrement. C’est normal d’avoir comme une douleur dans la poitrine quand on pense à des gens qu’on ne peut plus voir. J’ai mis sept ans à cesser de rêver de ma copine du lycée qui ne veut plus nous voir, avec Gwen. Je préfère mes amis ; on est trop une bande d’asociaux intellos. Mais j’ai quand même rêvé d’elle pendant des années. Et j’en ai pour dix ans, à rêver de Boris.
 Le truc c’est qu’en fait: j’aime quand même, et je le garde cet amour, et voilà, pourquoi l’étouffer ? Je fais d’autres trucs, avec d’autres gens, mais je le garde vivace tant que j’en ai envie. C’est pas parce que l’autre ne nous aime plus qu’on ne doit pas l’aimer. Je ne vois pas la contre-indication. Je m’en fous de paraître faible. Je vous emmerde. Un jour j’ai décidé d’aimer sans contrepartie tous les gens que j’avais envie. De ne pas avoir peur de paraître ridicule ou faible, ou en situation de déséquilibre. Je ne sais plus trop quand c’est venu, mais je me rappelle que c'est venu. 
Alors maintenant je rêve, j’en parle, je mange prie aime, toutes ces conneries d’Anna Gavalda, je ne me mets aucune limite. Surtout, je crois que je ne sais pas faire autrement. C’est une façon d'être loyal. N’entrez pas dans ma zone de sécurité sans savoir où vous mettez les pieds, je ne m’en remettrai jamais si vous partez. 
Boris me disait souvent quelque chose comme "ce que tu me fais, ça m'abîme irrémédiablement, je ne peux pas en guérir totalement" (parce que je l'avais quitté soixante-douze fois avec perte et fracas). Un: et mon cul, petit bâtard? Et deux: pour moi par contre, ça a l'air de fonctionner comme ça; j'aurais jamais cru.

dimanche 10 mars 2013

Après un bar,

un italien, et un autre bar avec des royales, et une promenade nocturne de Bastille à Nation ; il fait bon en ce moment ; après avoir retourné les choses dans tous les sens et avec toutes les personnes en présence, une sorte de conclusion m’est venue dans le noctilien. Soyons honnêtes. On vit une sorte d’éventail extrêmement large de situations. Large mais large sa mère. De la plus intense douleur (et par là j’entends aussi les crises d’angoisses de quatre heures du mat’ à supplier ma mère de venir parce que manifestement je vais mourir. Je ne sens plus le côté droit de mon visage et tout mon corps tremble violemment ; j’inclus aussi la douleur de la solitude existentielle, à l’origine desdites crises d’angoisses de folle-dingue ; la douleur d’aimer quelqu’un qui ne nous aime plus ; la douleur qu’il n’y ait plus d’œufs bio au Monoprix, tout ça) à la prostration, à des  trucs super jouissifs.
Il y a deux pôles. J’aurais été Boris ; j’y repense en ce moment parce que j’ai rêvé de lui cette semaine ; j’aurais été lui, j’aurais écrit un essai qui se serait appelé « les pôles », puis j’aurais fait deux trois peintures, noir gris et blanc ; en grand format. Ensuite je serais sortie me branler avec mes potes qui se flattent mutuellement de leur intelligence foudroyante. Je dis ça mais je commence à comprendre : je commence à vivre exactement la même chose. C’est trop cool d’être arrogant.
Donc il y a deux pôles. L’individualité qui est toujours en mouvement, qui veut plus, qui ne se satisfait pas de son partenaire. Le pôle qui voit qu’il y a mieux et qui veut mieux. Et c’est l’expression sans limite de l’individualité qui fait que personne n’est en couple pour la vie ici. Il y a plus beau, plus sexe, plus intelligent, à chaque soirée. Et l’étude comparative nous donne envie de nous casser de notre couple ; parce qu’on ne va pas vivre juste ça toute notre vie. Faut pas déconner. Et puis l’autre pôle, c’est quand on a désespérément besoin de s’endormir dans les bras de quelqu’un ; qu’on nous fasse un câlin.
Et nous sommes ballottés entre ces deux pôles ; à la fois prêts à tout pour obtenir notre horizon d’attente, mais prêts aussi, à toutes les compromissions pour dormir dans les bras de quelqu’un (un teubé qu’on méprise, un qu’on n’aime pas, un pervers narcissique qui ne nous aime pas, un avec lequel on se dispute depuis 2010 tous les jours, un qui nous a donné une gifle, un qui nous traite comme une sous-merde, un qui a déjà une meuf mais du moment qu’on n’en parle pas). Pour rester dans ce couple, on est prêt à toutes les humiliations/compromissions. Et de l’autre côté on s’en fout, il y a le monde qui nous attend. Et on oscille on oscille ; on a envie de gerber (métaphore nauséeuse: prix de la poésie 2013).

samedi 9 mars 2013

Le premier printemps

où j'ai senti les fleurs, sautillé en allant en cours et mis des jupes blanches en dentelle telle une pucelle décérébrée, c'était au lycée. Ca fait longtemps. On est vieux maintenant.
 Maintenant, quand je sens que je suis de bonne humeur, je me félicite. Quand je prends le soleil sur mon canapé, je ne me sens plus de joie. C'est long de se refaire une vie suffisamment kiffante. C'est étrange de comprendre qu'on est tout seul tout seul.
 Mais ce qu'il y a de bien maintenant que je suis une antiquaille, c'est que je suis sûre d'avoir des amis. Deux ou trois. Ils savent exactement qui je suis, tout; comme seul Boris le savait. Et ils n'ont pas tourné les talons. On marche ensemble, et on a une vraie connivence. J'ai toujours peur que les gens ne m'aiment pas, mais avec eux moins.  
 Les meufs, on sait bien qu'on ne peut pas tout miser sur nos mecs. Les bâtards. C'est fini ce temps là. On s'envoie des message entre nous à la Saint Valentin. J'aurai au moins reçu une déclaration d'amour véritable (une pas juste pour pécho). 
 Ce qu'il y a de bien maintenant que je suis une antiquaille, c'est que j'ai en permanence plusieurs coups sur le feu, et je commence à avoir confiance. Mais toujours avec l'enthousiasme d'une pucelle décérébrée. 

mardi 5 mars 2013

Quand je jouais du piano à la maison,

mon père disait que c’était « horrible » (il détestait le bruit; ça incluait la musique et ma voix -et encore, je n'ai jamais chanté. On n’a pas trop pris de gants avec moi quand j’étais petite: c’est pour ça que je suis une bourrine, à mon tour).
C’est pas que c’était horrible, c’est qu’il n’aimait pas Bach; c’est tout. Maintenant il apprend à jouer de la guitare, et on doit l’écouter jouer Jingle bell. Depuis deux mois. Une chanson. Je l’entends en fond sonore, quand j’appelle ma mère en rentrant de chez Cédric après le boulot. Alors moi je joue l’Impromptu et c’est horrible, et lui il joue Jingle Bell et on doit l'écouter tranquillement. Pas de problème. Je vais juste le vanner jusqu'à la fin des temps.