dimanche 18 août 2019

Article appelé "La théorie des couilles de taureau"

Ce mois-ci je suis à Rome. Et vous savez quoi, cette ville est une sorte de cocon (puant, un cocon puant, mais un cocon quand même). Rome, ça sent mi-la vieille transpiration des hommes qui dégoulinent, mi-une sorte d’odeur poussiéreuse et chaude des vieux bâtiments ; les poubelles aussi, et la fraîcheur des murs végétaux dans les ruelles, enfin c’est plein de paradoxes olfactifs. 
Je me suis rendue compte que j’étais là pour prêter attention à toutes les émotions qui restaient, coincées dans mon corps depuis toujours. Toutes les heures de tous les jours, sur le canapé de la coloc via Urbana, dans les rues pour aller au yoga, au dessus des ruines, dans le jardin du musée où je lis Damasio (alors Rome n'a pas la beauté de la Rome du cinéma italien, mais c'est beau d'une autre façon). C'est une longue plaie, de laisser sortir ces émotions encore encore et encore et encore. Le jour, la nuit, un mois. C'est un flot ininterrompu. Mes crises d’angoisse la nuit, ça donnait: sensation d’être dans une sorte de désert calcaire dans lequel je suis seule, il y a un goût acide everywhere, et un vent froid. En présence de ma famille, c’était comme si on prenait mon cœur dans une main et qu’on le pressait fort entre les doigts. J’ai aussi laissé monter la sensation d’un trou dans le cœur, elle est partie une fois ressentie (mon plus gros coup ce mois-ci, je suis pas peu fière d’avoir eu le courage de la laisser monter celle-là).
 Je peux faire ça, pourquoi? Parce que déjà j'ai des couilles de taureau. Déjà. Ensuite parce que chaque chose a été remise à sa place. Par la psy pour commencer. Et par Sofiane, qui a commencé par être de mon côté, et c’était la première fois que je n’étais pas remise en question. C'était la première fois que quelqu’un était ferme sur ma position à moi. 
Rien à voir, mais tu étais tout près, à me tenir la main (ta main très douce) pendant mes crises d’angoisse de zinzin, à m’emmener marcher dans Fontenay pendant que j’essayais de respirer. Tu étais là à guetter mon sommeil, à me tapoter le dos avec tellement de précautions et d’amour, la nuit quand je me réveillais à trois heures du mat. Tu dormais avec moi de l’autre côté du lit (oui, je me suis beaucoup cherchée pendant les crises d’angoisse, et me recoucher la tête aux pieds a été une des solutions que j’ai trouvées pour me rendormir- ca change l'ambiance, on n'est plus dans la crise d'angoisse puisqu'on n'est plus du même côté du lit, voyons). Tu es le plus merveilleux amoureux que j’ai jamais eu. Tu étais là pour me soutenir, toute une semaine à pleurer le soir sur le canapé, avant d’aller à Dreux à Noël (j'irai plus à Noël), sans me prendre pour une folle. Juste en restant là, à m'écouter, attendant que ça passe. Tu m’as donné l’idée d’une vie de famille dans laquelle je n’aurais pas le cœur compressé. Tu as une sorte de boussole très stable de ce qu’on peut endurer ou pas, des limites qu’on met aux autres, et tu m’as montré comment faire à chaque fois. La fermeté de ta position, selon laquelle je n’étais pas le problème, m’a donné à moi aussi de la fermeté. On se baladait en se tenant collés, mes mains sur tes épaules, accrochées à ton cou. C'est la meilleure relation de toute ma vie. Djamila me parle toujours de toi d’un air de « je ne veux pas faire de la pub à Sofiane, mais tu avais l’air si bien avec lui ». C’était vraiment bien bien bien bien.