samedi 12 février 2011

Comment tenir toute une classe moyenne avec trois Ipod et une télévision (c’est facile).

Je pensais réellement qu’il était possible de prendre les enfants, et de rendre leur esprit si aiguisé qu’ils en viendraient à penser le monde avec précision. Mais il semble réellement -et je suis déçue à vingt-trois ans, il ne me reste plus qu’à me retirer du monde et à donner des cours particuliers aux bourgeois facturés trente euros de l’heure-, que le capitalisme soit le plus fort et que la possession des instruments technologiques fasse définitivement moisir leur cerveau (ils ne savent pas se concentrer plus d’un quart d’heure, ni parler, ni même lire : comment pourraient-ils un jour penser quelque chose).

Est-ce que trois profs révolutionnaires peuvent changer une génération abreuvée par le marché ? Comment amener une population à penser quelque chose d'intelligent politiquement si la plupart de ses membres même les plus pauvres sont heureux de participer à l’économie. Voilà pourquoi je déteste les objets électroniques. C’est l’instrument par lequel les plus exploités (et même les exclus) du capitalisme ont l’impression d’en profiter. Ils travaillent pour un SMIC chez Orange, mais ils ont un Ipod touch fly to the moon. Les plus pauvres se démerdent pour les acheter ou les voler ; ils acquièrent ainsi la reconnaissance qui est due à toute personne qui possède un objet électronique au sein de la classe moyenne. La possession d’un objet électronique, le divertissement qu’il permet, c’est avoir l’impression d’être bien, et la possibilité d’être considéré. Alors que tu n’es pas bien, exploité ou exclu, et alors que pour recevoir une quelconque considération il va falloir se lever de bonne heure mon petit chou.
On recouvre les chaînes de fleurs, et les chaînes sont invisibilisées (version blog de L’Introduction à la critique de l’économie politique de Marx : la technologie comme opium du peuple). Remarquons que l’objet électronique est vraiment un truc de classe moyenne, à laquelle on fait croire que c’est un truc de riche: posséder un objet électronique c'est croire que l'on peut être un sujet, comme le riche. C'est en fait être maintenu comme un con dans une économie qui te saigne à blanc.

La révolution qui chasse un dictateur amène le pays au niveau de la démocratie, et par là, le fait accéder au marché mondial. On n’est donc pas sortis de la berge. Puisqu’on est finalement loin du processus de prise de conscience de la réalité du système, donc loin de sa décomposition : le monde entier n’est même pas encore entré dans le marché mondial. Ne croyez pas que les révolutions du Maghreb révolutionnent quoi que ce soit pour nous (mais elles jouent pourtant ce rôle aux informations, l’image révolutionnaire est là, mais qu’a-t-on révolutionné ?). Ce sont des révolutions bourgeoises, elles vont porter le capitalisme dans ces pays. On y sera désormais libre d'être de bons consommateurs.

Devant mon échec quant à provoquer une quelconque amélioration intellectuelle chez les adolescents des classes moyennes, et compte tenu de toute l'énergie que je déploie; devant l’ampleur de la tâche révolutionnaire, je suis momentanément un peu fatiguée. Et en plus j'ai mal au dos, ça me rend très irritable.